à la gloire de mon père...


Numéro spécial retour

" à la gloire de mon père".

#0/mai 2017
Réalisation: C.L.M & E.A

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Note de retour:
                      Nous avons le plaisir, pour notre retour, de partager avec vous, un extrait du texte: " Les confidences d'un saoul"; ce livre doit paraître dans les jours à venir.



Un grand merci à tous pour votre fidélité.


à la gloire de mon père.

" ; dans cette froide solitude, loin de tout ce qu'il me reste à aimer et espérer, je repense souvent à toi pour gaver mon corps de soleil... "



©Photo: C.L.M











                                      à la gloire de mon père...

Je ne comprends rien à la vie. Cette vie galopante et qui ne fait que passer, en changeant tous les visages de tous ceux qu'on aime en ces cercueils que l'on traîne au cimetière, dans cette marée de larmes hirondelles sur nos visages perdus et nos cœurs serrés. Je meurs et vis à chaque fois que je pense à nous. Et, j'ai toujours cru, après ton départ, que la vie se résumait à ça: "Une fleur éternelle qu'on finit toujours par enterrer au cimetière". Finalement, la vie se révèle, pour tout homme, le seul rêve dont il est incertain d'aller au bout sans que la mort ne vienne l'interrompre. Même celui qu'elle vient chercher dans son lit n'arrive jamais au bout de son rêve. 

Je n'ai jamais compris pourquoi cela s'est produit. Ni, comment cette bête  immonde qu'on appelle communément la mort a pu se saisir, sans crainte ni pudeur, de si tôt et aussi brutalement, d'une âme aussi douce comme la tienne. Je n'ai pas cessé depuis d'y penser. D'ailleurs, j'y penserai encore même après ma mort. Et ce n'est nullement là chose facile à comprendre ni même à admettre. Pourtant, on doit faire avec...je n'ai, de toute mon existence, autant désiré la mort et espéré la vie qu'avec ta mort. Quand on se retrouve plongé dans le désastre provoqué par la perte d'un être qui nous est si cher, alors vaut mieux se résoudre à combler l'espace tout entier de notre niaque de vivre jusqu'à repousser les velléités pressantes du désespoir qui nous rode autour...je n'arrête pas de me demander: si j'avais été là, aurais-je pu éviter cela? Aurai-je eu le courage et la force d'affronter cette milice odieuse, shootée à l'ode mortuaire, chantant  à tue-tête à la gloire de la faucheuse, et t'enlever de ses griffes sans que tu ne daignes me l'interdire, juste par amour pour nous? 

Dis-moi, Père, comment meurt-on?

Je garde en moi ce tourment fétide qui me rappelle souvent, ô trop souvent l'ombre de ta précieuse présence. Avec toi, la vie m'a toujours paru comme un collier fait de ces perles que l'on ne trouve que dans les bas-fonds des cœurs des fils et des pères qui s'aiment d'un amour sans maître...comme nous nous aimions. Même après tant d'années, je ne sais toujours pas comment vivre dans cet espace sidérant dans lequel tu m'as laissé. Dis moi...? Dis-moi, Père, comment y vivre? 

Avant ton départ, je prenais ce vilain plaisir à m'interroger sur l'avenir. Maintenant, l'avenir ne se résume qu'à cette petite fille avec qui je serai obligé de pleurer la perte de son grand-père. J'ai appris plus de paroles sensées de ton silence et tes gestes aujourd'hui posthumes, que pendant toute mon existence. Ton silence et tes gestes tendres sont ce deuil que portera mon cœur jusqu'à la fin des temps. J'aurais préféré mille fois ne pas avoir à écrire tout ça, s'il m'avait été donné l'opportunité de te voir vieillir...ne serait-ce que pour elle; elle, qui porte le prénom de sa grand-mère et qui devra se contenter d'apprendre celui de son grand-père de la bouche de son père. Em***** cela. J'aurai aimé t'entendre le lui dire...toi qui savais si bien le faire dans ce langage gorgé d'amour que tu maîtrisais à la perfection.

Tu me manques terriblement...tellement qu’aujourd’hui encore j'ai presque plus d'effort à faire pour te ramener à moi...pour ma part, j'ai choisi d'oublier ta mort et ne plus avoir à penser à toi comme tel. Je te vis chaque jour dans ce silence que la faucheuse et sa cavalerie ont brisé en t'emportant avec elles. J'ai réalisé, avec le temps, qu'il n'est de cachot plus sûr ici-bas pour purger sa peine que son propre cœur, alors, je me contente de vivre, au jour le jour, pour nous aider à vivre. 

                                                     ....

Au lendemain de ton décès, j'étais comme tous ces enfants qui ne cessent de maudire la vie après la perte d'un parent; ces enfants orphelins de père qui, pour ainsi dire, ressentent tout à coup tout le poids du monde et la  douleur atroce qu'il charrie avec lui sur leurs frêles épaules; une terre pesant si lourdement qu'elle paraît capable de broyer, en une fraction de seconde, tout petit cœur qui se retrouve sur son passage...celui d'un enfant, encore pire. A ce moment là, la douleur qui nous envahit est semblable au désarroi des ventis au lendemain d'une furieuse tempête; nous devenons comme tous ces enfants qui,  au nom de tous les saints et les dieux,  ne cessent de se-demander une seule et unique chose: de quoi est fait demain, sans notre père? 

La lumière qui, d'habitude, brillait de mille feux dans mes yeux en te voyant, s'était éteinte à jamais. Personne n'aime voir partir en fumée, par la seule haine des hommes, tous les rêves qu'il a économisés pour offrir à  un être aimé. Il est un fou l'homme qui cherche à comprendre tout ça: la haine, la hantise, les caprices et les envies des hommes. Ce ne sont pas là chose à comprendre...ce n'est pas dans mes cordes...et je m'en moque. Du moment qu'à chaque fois je pense à nous, je te revois plein d'entrain et de douceur, homme d'amour et de métier...tout ce que tu faisais ressemblait à la beauté de ta personne. Tout ce que tu donnais aux autres respirait l'amour...comme ce poème qui brûle.

[...]

J'ai appris à écouter, lire et écrire, très tôt, rien que pour comprendre tout ce mystère qu'on pouvait entrevoir, presque en tout temps, dans tes brillants yeux. Maintenant, je comprends mieux pourquoi la petite lumière dans mes yeux n'est plus. Je comprends mieux pourquoi il fait si mal dans le cœur de voir passer cette cohorte d'hommes de main, avec ce sourire grinçant au visage, après avoir donné la mort à un autre homme. J'ai compris, bien trop tard, pourquoi, malgré tous tes problèmes, tu gardais toujours ce sourire vif sur tes lèvres de père aimant...quand il m'arrive d'expliquer aux gens combien manmi est une femme solide*, je profite toujours par la même occasion  pour leur dire combien je te considérais et te considère aujourd'hui encore comme un saint. Pas une seule fois tu n'as eu à me gronder. Étant enfant, je me croyais sage...mais avec l'âge j'ai compris qu'il n'en était rien. Tu ne l'as jamais fait parce que, pour dire cela plus simplement, ce n'était pas ainsi que tu procédais...ta voix avait cette douceur sans commune mesure, et cela me suffisait amplement pour arrêter mes bêtises...

"Il y a environ dix ans de cela, je croyais t'avoir, pour ainsi dire, pour toute la vie; puis, un beau matin, je t'ai perdu à jamais". 

En vivant ici, en voyant tomber la neige ou encore quand le courant d'air est pris par l'haleine du froid, il m'arrive très souvent de penser à nous; dans cette froide solitude, loin de tout ce qu'il me reste à aimer et espérer, je repense souvent à toi pour gaver mon corps de soleil...et puis, tu m’apparais très souvent comme ces sculptures de glace qu'on dresse ici à chaque hiver et qui fondent sous le poids de la chaleur de ce soleil anxieux; comme un témoignage, pour dire combien le temps lui-même ne se révèle que de la poussière et éphémère...combien le temps lui-même, dans toute sa plénitude, n'est fait que de saisons éphémères. Pourtant, je crois fortement que je te garderai avec moi à l'infini...

; comme une brûlure de poème.



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